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Julien Naturopathe - Le Mans

Microbiote Vaginal et Fertilité

Dernière mise à jour : 7 janv.

Parmi les causes infectieuses d’infertilité de la femme, le concept de dysbiose est né avec le concept moderne de microbiote au début des années 2000. Les techniques de métagénomique permettant le séquençage des bactéries et de culturomique* évaluant les microorganismes minoritaires ont permis de découvrir des microbiotes dans des sites considérés jusqu’à présent comme stériles. 


*La culturomique appliquée à l'étude des microorganismes est une approche méthodologique visant à identifier et caractériser des bactéries, virus, champignons et autres microorganismes, en mettant l'accent sur ceux qui sont minoritaires ou difficiles à cultiver avec les techniques classiques.


La conception du microbiote en tant que "système" au sein du corps humain est une perspective qui gagne en popularité et en reconnaissance dans le domaine de la recherche biomédicale. Le microbiote intestinal est un organe à part entière, le microbiote vaginal également.


Flore vaginale chez la femme non ménopausée


Un microbiote vaginal dominé par des lactobacilles est considéré comme une eubiose (biote équilibré). Ce microbiote, chez une femme saine, est peu diversifié, dynamique, c’est-à-dire variable dans le temps en fonction de facteurs endogènes (cycle menstruel) ou exogènes (rapports sexuels, prise d’antibiotiques, hygiène de vie, contraception hormonale, etc.), avec une capacité à revenir à un état d’équilibre ou d’eubiose (domination par des lactobacilles) après avoir été perturbé.


Contrairement au microbiote intestinal, le microbiote vaginal est équilibré lorsqu’il montre une faible diversité (environ 200 espèces de bactéries) et lorsque les lactobacilles (bactéries en forme de bâtonnets) sont prédominants.


La dysbiose vaginale est caractérisée par une raréfaction des lactobacilles et une dominante de bactéries anaérobies. Le stade ultime de la dysbiose vaginale est la vaginose bactérienne (VB). En bactériologie « traditionnelle », la dysbiose vaginale est évaluée par le score de Nugent et la culture des sécrétions

vaginales.


Flore vaginale et score de Nugent


Le score de Nugent est un outil diagnostique utilisé en microbiologie clinique pour évaluer la composition de la flore vaginale et détecter la présence d'une vaginose bactérienne. Développé en 1991 par R.P. Nugent, ce système repose sur l'analyse microscopique de frottis vaginaux colorés au Gram, permettant de quantifier différents types de bactéries présentes. Ce score de Nugent permet d'évaluer la qualité de l'écosystème bactérien vaginal par un simple examen au microscope en étudiant la présence de lactobacilles (germes vaginaux normaux), de certains germes anaérobies (Mobiluncus) et de Gardnerella vaginalis. Il est l’un des outils les plus couramment utilisés en médecine pour évaluer la dysbiose vaginale, notamment dans le cadre de la vaginose bactérienne.


Interprétation des résultats score de Nugent :


  • Score 0 à 3 : flore normale, prédominance de lactobacilles.

  • Score 4 à 6 : flore intermédiaire, diminution des lactobacilles avec présence modérée d'autres bactéries.

  • Score 7 à 10 : vaginose bactérienne probable, disparition des lactobacilles au profit d'une flore anaérobie polymorphe.



Bien que le score de Nugent soit un outil largement utilisé et souvent considéré comme une méthode de référence pour diagnostiquer la dysbiose vaginale, il présente certains inconvénients et limites qui peuvent affecter son utilisation clinique :


  • Limité aux bactéries observables au Gram : cette méthode ne détecte pas toutes les bactéries potentiellement impliquées dans les pathologies vaginales, notamment les agents pathogènes non identifiables avec une coloration Gram (comme les mycoplasmes ou les champignons tels que Candida).


  • Insensibilité aux infections mixtes : en présence de co-infections (par exemple, vaginose bactérienne et candidose), le score de Nugent peut être insuffisant pour établir un diagnostic différentiel complet.


  • Impact des traitements préalables : l’utilisation récente d’antibiotiques ou de traitements vaginaux peut fausser les résultats en modifiant temporairement la composition de la flore bactérienne.


  • Exigeant en expertise : la variabilité inter-observateurs peut survenir, surtout si les examinateurs ne sont pas formés de manière homogène. Il est examinateur dépendant et parfois difficile à corréler avec la clinique.


Flore vaginale et facteurs hormonaux


La répartition des différentes espèces au sein de la flore vaginale dépend de facteurs hormonaux et plus particulièrement de l’importance des sécrétions d’œstrogènes. 


Une propriété “connue” des œstrogènes est de favoriser la constitution, au niveau du vagin, d’importantes réserves de glycogène. On parle d’imprégnation glycogénique de la muqueuse (1; 2 et 3). Le glycogène est ensuite dégradé en acide lactique par les lactobacilles, ce qui maintient le pH vaginal à des valeurs très basses. Un tel environnement acide convient particulièrement aux lactobacilles et permet d’inhiber le développement des autres espèces bactériennes.


À l'inverse, lorsque les taux d'œstrogènes diminuent, le glycogène est peu présent au niveau de la muqueuse et le pH vaginal assez élevé. Les lactobacilles sont alors rares et l’essentiel de la flore commensale. La flore apparaît constituée par les autres espèces bactériennes d’origine intestinale et cutanée (entérobactéries, entérocoques, bactéries anaérobies, Streptococcus agalactiae, Gardnerella vaginalis, staphylocoques..) mais en quantité assez limitée en général.


Les observations selon lesquelles les œstrogènes favorisent la croissance des Lactobacillus dans le microbiote vaginal sont corroborées par de nombreuses études scientifiques. Les œstrogènes jouent un rôle clé dans la régulation du microbiote vaginal en favorisant la croissance et la dominance des Lactobacillus. Cette influence est démontrée par des observations épidémiologiques à différents stades de la vie (4) :


  • Puberté : pendant la puberté, l'augmentation des niveaux d'œstrogènes s'accompagne d'une croissance marquée des Lactobacillus, reflétant leur rôle dans l'établissement d'un microbiote vaginal sain.

  • Grossesse : lors de la grossesse, des niveaux élevés d'œstrogènes maintiennent une dominance des Lactobacillus, contribuant à la protection contre les infections grâce à la production d'acide lactique et au maintien d'un pH acide.

  • Ménopause : après la ménopause, la baisse des œstrogènes entraîne une diminution des Lactobacillus, mais un traitement hormonal substitutif rétablit leur population et l'équilibre vaginal.


Ces données soulignent l'importance des œstrogènes dans le maintien d'un environnement vaginal dominé par les Lactobacillus et leur rôle protecteur tout au long de la vie.


Dysbiose vaginale et infertilité


Cliniquement, la dysbiose vaginale se présente sous des formes très variables, et environ 50 % des femmes atteintes de vaginose bactérienne (VB) seraient asymptomatiques (5). Cependant, même en l’absence de symptômes, une VB « microscopique » peut induire une inflammation cervico-vaginale infraclinique (touchant simultanément le col de l’utérus et le vagin), augmentant ainsi le risque d’infections sexuellement transmissibles (IST) telles que le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), Neisseria gonorrhea (NG), Chlamydia trachomatis (CT), Trichomonas vaginalis (TV) et le virus de l'herpès simplex 2 (HSV-2) (5).


Ces infections, à leur tour, majorent le risque d'infections génitales hautes, qui sont des causes fréquentes d’infertilité. Ainsi, même une dysbiose vaginale asymptomatique peut avoir des conséquences graves pour la santé reproductive des femmes, soulignant l’importance d’une détection et d’une prise en charge / d'un accompagnement adapté(e)s.


Selon une étude observationnelle prospective portant sur 418 femmes (6), les infections subcliniques (cervicite gonoccocique, vaginites bactériennes, chlamydia) augmentent le risque d'infertilité de 40 % chez la femme (avec un intervalle de confiance modérément large (IC) 95 % : 0,4–0,8).


Dysbiose vaginale, HPV (Papillomavirus) et accouchement prématuré


Les Papillomavirus sont particulièrement résistants (frod, chaud, chlore, détergents...) et résistent plusieurs jours dans les milieux humides. Les piscines regorgent de papillomavirus de tout génotype. Il peut donc être judicieux pour les femmes rencontrant des diffcultés à tomber enceinte, d'éviter les piscines municipales si elles sont sujettes à des réactivations virales (HPV, EBV, Herpès...). Il en va de même pendant la grossesse en cas de déficience immunitaire.


A noter que la présence d'HPV, chez la femme comme chez l'homme, doit être considérée comme un symptôme de déficience immunitaire.


Une étude suédoise récente (7) portant sur 345 femmes de moins de 30 ans montre que les femmes avec un microbiote vaginal non dominé par Lactobacilles ont plus de 2 fois plus de risque de contracter un HPV (quel que soit le type).


Extrait de l'étude : "Le microbiote vaginal a récemment été associé à un risque accru d'infections sexuellement transmissibles, y compris l'infection par le VPH (virus du papillome humain). Nos données sont également corroborées par d'autres études, montrant qu'un microbiote vaginal dominé par des espèces autres que Lactobacilllus ou par Lactobacillus iners était associé à une probabilité de trois à cinq fois plus élevée d'avoir une infection par le VPH, et à un risque deux à trois fois plus élevé pour les types de VPH à haut risque, ainsi que pour la dysplasie ou le cancer du col de l'utérus, par rapport à un microbiote dominé par Lactobacillus crispatus . Une méta-analyse sur le microbiote vaginal et le risque de VPH et de cancer du col de l'utérus a également soutenu l’existence d’un lien causal entre la dysbiose vaginale et le cancer du col, ainsi que l'acquisition, la persistance et le développement de la dysplasie cervicale liés au VPH à haut risque. Une relation potentielle entre certains microbiotes et une clairance plus rapide de l'infection par le VPH a été suggérée, mais ce domaine nécessite davantage d'investigations avec des cohortes plus larges et longitudinales. Si cela s’avère exact, il serait peut-être possible de traiter une infection persistante par le VPH en modifiant le microbiote vaginal. Cela constituerait évidemment une information précieuse et une avancée significative dans la prise en charge des infections persistantes par le VPH."


L'étude intitulée "Association Between Maternal Human Papillomavirus Infection and Adverse Pregnancy Outcomes" (8), publiée dans JAMA Network Open, est une revue systématique et méta-analyse qui examine l'association entre l'infection maternelle par le virus du papillome humain (HPV) et les issues défavorables de la grossesse. L'Objectif de l'étude est d'évaluer si l'infection par le HPV chez les femmes enceintes est liée à des complications obstétricales (prématurité).


L’étude a inclus 899 femmes enceintes âgées de 19 à 47 ans (âge moyen : 31,3 ans). Parmi elles, 42 % (378 femmes) avaient de l'ADN du HPV détecté dans leur vagin au cours du premier trimestre, et 11,1 % (91 placentas) présentaient une infection par le HPV à l’accouchement. Concernant les naissances prématurées, il y a eu 55 cas, dont 38 prématurités spontanées et 17 prématurités indiquées médicalement. L’analyse montre que la détection persistante du HPV-16/18 dans les échantillons vaginaux est associée à un risque significativement accru de prématurité. De même, une infection placentaire par le HPV à l’accouchement est liée à une augmentation du risque de prématurité. Ces associations restent significatives même en excluant les participantes ayant un antécédent de traitement pour néoplasie intraépithéliale cervicale.


En conclusion, l’étude souligne que l’infection persistante par HPV-16/18 (il existe environ 200 types différents de HPV), ainsi que l'infection placentaire par le HPV, sont des facteurs de risque importants pour les naissances prématurées, en particulier les prématurités spontanées.


La prématurité demeure l'une des principales causes de mortalité périnatale et de morbidité à vie dans le monde.


Les lésions causées par le HPV au niveau du col de l’utérus, en altérant le passage des spermatozoïdes à travers celui-ci, peuvent également contribuer à l’infertilité.


HPV et hypofertilité masculine


L'article intitulé "Seminal human papillomavirus infection and reproduction: a systematic review and meta-analysis" (9) est une revue systématique et méta-analyse qui examine l'impact de l'infection par le virus du papillome humain (HPV) dans le sperme sur la reproduction humaine.


Les auteurs ont effectué une recherche exhaustive des études disponibles jusqu'en décembre 2019, incluant des études transversales, cas-témoins et cohortes, qui analysaient la présence de HPV dans le sperme et ses effets sur :


  • La qualité du sperme (concentration, motilité, morphologie).

  • Les taux de fécondation lors de techniques de procréation assistée.

  • Les taux de grossesse et de fausse couche.


Résultats principaux :


  • Prévalence du HPV dans le sperme : la prévalence moyenne de l'ADN du HPV dans le sperme était de 20,4 %.

  • Qualité du sperme : les hommes avec une infection à HPV présentaient une diminution significative de la motilité des spermatozoïdes. Aucune association significative n'a été trouvée entre l'infection à HPV et la concentration ou la morphologie des spermatozoïdes.

  • Techniques de procréation assistée : la présence de HPV dans le sperme était associée à une réduction significative des taux de fécondation. Les couples où l'homme était infecté par le HPV présentaient des taux de grossesse plus faibles et une augmentation significative des taux de fausse couche. Les données disponibles sont encore insuffisantes pour tirer des conclusions définitives sur l'effet de l'infection par le VPH sur les résultats reproductifs des patientes sous procréation médicalement assistée en termes de naissances vivantes, mais un risque accru de fausse couche est noté.



L'infection par le HPV dans le sperme est associée à une altération de la motilité des spermatozoïdes, à des taux de fécondation réduits lors des techniques de procréation assistée, et à une augmentation des taux de fausse couche. Ces résultats suggèrent que la présence de HPV dans le sperme peut avoir un impact négatif sur la fertilité masculine et les résultats reproductifs.


Conclusion : Prévenir et optimiser la santé reproductive par le microbiote et l’immunité


À la lumière des données présentées, plusieurs axes émergent pour préserver ou améliorer la fertilité et limiter les risques associés aux infections et à la dysbiose :


Optimisation des taux d’œstrogènes pour un microbiote vaginal sain :


  • Les œstrogènes jouent un rôle crucial dans la régulation du microbiote vaginal. Ils augmentent le glycogène vaginal, substrat essentiel pour les lactobacilles, et favorisent ainsi un environnement acide qui inhibe les pathogènes.

  • Il est important de maintenir un équilibre hormonal, notamment en cas de déséquilibres liés à la ménopause ou à des pathologies hormonales.

  • Une hormonothérapie (sous suivi médical) à base d'hormones bio-identiquespour peut favoriser une flore dominée par des lactobacilles.


Équilibrer le microbiote vaginal pour prévenir les dysbioses :


Un microbiote vaginal dominé par Lactobacillus crispatus ou Lactobacillus gasseri est protecteur contre les infections sexuellement transmissibles (IST) et les complications comme la prématurité ou la dysplasie cervicale.


Recommandations :


  • Hygiène intime adaptée : éviter les douches vaginales agressives et privilégier des produits à pH adapté (4-4,5).

  • Probiotiques ciblés : certains probiotiques contenant des souches de Lactobacillus spécifiques peuvent aider à restaurer une eubiose après une antibiothérapie ou en cas de dysbiose.

  • Limitation des expositions à risque : éviter les piscines publiques ou les environnements susceptibles de favoriser une contamination par le HPV ou d’autres pathogènes.


Renforcer l’immunité pour lutter contre les infections à HPV


Une réponse immunitaire équilibrée, avec une immunité cellulaire TH1 fonctionnelle, est essentielle pour éliminer efficacement le HPV. Attention, il ne faut abosulement pas stimuler cette voie immunitaire en cas de grossesse !


Surveiller et traiter précocement les infections génitales


Les infections génitales, même subcliniques (comme la vaginose bactérienne ou une cervicite liée au chlamydia), peuvent altérer la fertilité et augmenter le risque de complications.


Approches diagnostiques et thérapeutiques :


  • Dépistage systématique des IST chez les femmes en âge de procréer ou rencontrant des difficultés à concevoir.

  • Prise en charge / accompagnement précoce et adapté(e).


Références :




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